Karlheinz Niclauss
Démocratie représentative et participation politique (Allemagne
d´aujourd´hui 2000, No 152, pp. 15-19)
(Vortrag beim Colloquium >Allemagne
1999-perspectives an 2000< in Valenciennes am 25. November 1999)
Le principe de la démocratie représentative trouve son origine dans la
théorie politique française. Il suffit de
rappeler le livre De l´esprit des
lois de Montesquieu et la constitution du 1791. Selon cette théorie, les
citoyens transmettent leur pouvoir aux députés, qui, à leur tour, décident au
nom des citoyens sans être soumis aux directives concrètes. L´idée contraire à
la représentation a été décrite également en France par Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève.
Dans son Contrat social de 1762, Rousseau
a postulé le principe de la participation intégrale: selon lui, le peuple ne
peut pas transmettre sa fonction législative. Tout projet de lois, qui n´est
pas adopté par les citoyens eux-mêmes, est donc nul. On pourrait poser la question: >Quel intérêt
les idées du XVIIIe ont-elles pour les événements actuels et les perspectives
allemandes pour l´année 2000 ?<
Pourtant je vais recourir aux deux principes élémentaires de la démocratie
pour envisager deux objectifs.
En premier lieu, pour mettre en relief les traits distinctifs du système
politique allemand, distinct, par exemple, du système français. Deuxièmement,
ils nous aideront à comprendre qui va gouverner l´Allemagne en l´an 2000 et
au-delà.
La constitution allemande du 1949 renonce au principes de l´initiative
populaire et du référendum. Les auteurs de la Loi fondamentale ont justifié
cette abstinence par l´expérience fait sous la République de Weimar. Ils se
rappelaient l´initiative contre le Plan Young qui permit à Adolf Hitler de se
mettre en scène, ainsi que l´initiative pour la dissolution de la diète
prussienne en 1931. Cette initiative a été dirigée contre le gouvernement du
social-démocrate Otto Braun et a été soutenue par l´ extrême droit et le parti communiste. La Loi fondamentale
renonce aussi à l´élection directe du président - une autre conséquence de l´expérience de Weimar où
Hindenburg, président élu, a nommé Hitler
chancelier du Reich. Donc, au niveau fédéral, la RFA se présente comme un système
constitutionnel, qui est purement représentative. La Loi fondamentale ne
connaît pas d´instruments de la démocratie directe comme en Suisse ou comme le
référendum réalisé à l´initiative du président de la République en France.
Certes, la dissolution du parlement est aussi un élément de la démocratie
directe. Une dissolution provoque par la suite une élection générale et, par
conséquent, accorde une participation directe aux citoyens. Mais la dissolution
du Bundestag exige demande une
procédure compliquée, qui seul le chancelier peut déclencher. Jusqu´à présent,
le président n´a dissous que deux fois le Bundestag
à la demande du chancelier, en 1972 et en 1983. Les élections suivantes ont
confirmé les gouvernements de Willy Brandt et de Helmut Kohl. En France la
dissolution est une prérogative du président. Celui-ci y recourt pour améliorer
la position de son parti, mais, comme nous le savons, il peut se tromper.
Après la réunification allemande, une commission constitutionnelle a été
mise en place en 1991. Elle a chercher à adapter la Loi fondamentale à la
situation de l´Allemagne unifiée et, en même temps, à renforcer l´influence des Länder sur la politique européenne à l´aide du nouvel article 23 de
la Loi fondamentale. Cette commission a débattu également de l´introduction de
l´initiative populaire et du référendum à l´échelle nationale. En 1989,
l´opposition en Allemagne de l´Est s´est libérée du régime communiste en
lançant le slogan: >Nous sommes le peuple<. En conséquence, elle réclama une
démocratie plus directe pour l´Allemagne unifiée. Les sociaux-démocrates et les
Verts avaient déjà avant la réunification plaidé en faveur de plus de
démocratie directe dans leurs programmes. Mais il n´y avait pas de majorité des
deux tiers, indispensable pour qu´une telle révision constitutionnelle se fasse
au sein de la commission.
A l´échelon des communes, la démocratie allemande connaît des éléments plébiscitaires: Le référendum ou le
référendum d´initiative populaire (Bürgerbegehren)
est prévu dans toutes les constitutions communales.
La majorité des maires est élu au suffrage direct des habitants. Au niveau
local une véritable grass roots democracy
s´est développée, comme les Américains l´ont importée en Allemagne après la
Deuxième Guerre mondiale. La participation directe au niveau des Länder est bien connue à l´étranger.
Actuellement toutes les constitutions des Länder
comportent l´initiative populaire et le référendum. Mais ces instruments
s´appliquent seulement aux pouvoirs législatifs des Länder. Dans la mesure où la législation des Länder est limitée, la dimension de leur démocratie directe est
également limitée. C´est pourquoi des initiatives importantes dans les Länder ont porté sur la question
scolaire et les constitutions communales.
En résumé, la participation au niveau des communes est plus importante que
la participation direct au niveau des Länder.
La RFA est un système politique, dans lequel la participation directe se réduit
de bas en haut. Toutes les décisions importantes de la politique économique,
sociale ou étrangère sont prises au niveau fédéral, c´est à dire conformément
aux règles de la démocratie représentative. Dans ce domaine, la participation
des citoyens se limite à l´élection du Bundestag,
qui a lieu tous les de quatre ans. L´introduction de l´initiative populaire et
du référendum au niveau fédéral fait partie des accord de la coalition
rouge-vert. Entre-temps, ce point a perdu son actualité pour deux raisons.
Premièrement, les sociaux-démocrates et les Verts comme partis gouvernementaux
doivent s´occuper des problèmes plus urgents. Deuxièmement, les
chrétiens-démocrates, l´opposition actuelle au niveau fédéral, ont lancé début
1999 une action de type pétition contre la >double nationalité<. Cette
action était inefficace au sens juridique. Mais elle a permis aux
chrétiens-démocrates de remporter, à la surprise générale, la victoire aux élections régionales de Hesse. Ainsi, la
gauche allemande s´est rendu compte pour la première fois que la démocratie
directe avait ses avantages et ses inconvénients et ressemblait à une tête de
Janus comme il est apparu en Californie et en Suisse.
La deuxième partie de cet exposé va porter sur la durée des gouvernements,
particulièrement du gouvernement rouge-vert à Berlin. La stabilité des gouvernements
dépend tout d´abord de la dimension des problèmes économiques et sociaux
abordés dans ce colloque. Pour ma part, j´essayerai d´analyser la durée du
gouvernement actuel sous l´aspect purement politique. >Est-ce qu´il y a dans
l´histoire de la République fédérale et dans son système politique des indices
en faveur d´une stabilité du gouvernement ou est-ce qu´il y a des indices qui
soulignent plutôt le caractère éphémère du gouvernement Schröder ? Est-ce qu´on peu prévoir les perspectives de
la coalition gouvernementale jusqu´en 2000 ou 2002 ?<
Actuellement, l´opinion publique, les médias et les sondages sont plutôt
défavorable au gouvernement. Les partis gouvernementaux ont subi plusieurs
défaites électorales dans les Länder.
Le ministre des finances est confronté aux problèmes budgétaires dont les
dimensions sont beaucoup plus grandes qu´ à Paris et à Londres.
Le gouvernement doit réorganiser le système de santé et le système des
retraites et il y a, bien sûr, des controverses au sein de la coalition sur
l´exportation des armes ou l´exploitation du lignite à ciel ouvert. A en croire
les commentaires de la presse et de la télévision, en cette fin d´année
1999, on a l´impression que les jours
du gouvernement Schröder sont comptés. Vu du point de vue du système politique,
c´est une interprétation tout à fait différente s´impose: selon les règles
constitutionnelles, en fonction de la composition du parlement
et en raison de l´organisation de l´appareil gouvernemental on peut prévoir
que le gouvernement restera stable pendant les années à venir. C´est surtout le
caractère représentatif du système
politique qui renforce la position du gouvernement et, en particulier,
la position du chancelier fédéral.
Entre temps, le gouvernement rouge-vert a perdu la majorité au Bundesrat suite aux élections
régionales. Mais, d´après la constitution, le Bundesrat est une représentation des gouvernements des Länder. Utiliser cette deuxième chambre
comme instrument oppositionnel pourrait entraîner des effets contradictoires,
c´est à dire des conséquences défavorable pour l´opposition lors des élections
à venir. En principe, les élections régionales et communales ne changent rien à
la majorité parlementaire du gouvernement Schröder. La législature du Bundestag actuel durera jusqu´en 2002 et
le chancelier n´aura aucun intérêt à
provoquer prématurément la dissolution
du parlement. La chute du gouvernement suite à un changement de la coalition
est peu probable. Les Verts ne peuvent pas se lier au parti des
chrétien-démocrates, tandis que Schröder, selon la distribution des sièges au Bundestag, pourrait aussi bien gouverner avec les députés libéraux. En
somme, la situation du gouvernement et de sa majorité parlementaire semble
consolidée, tandis que l´opinion publique enregistre une série de crises
gouvernementales. Evidemment, le pouvoir établi du gouvernement est en
contradiction avec ses défaites aux élections intérimaires et avec la critique
des médias.
Une telle contradiction existe en ce qui concerne les décisions personnelles
au sein du gouvernement. La démission de Oskar Lafontaine comme ministre de
Finances et comme président du Parti social-démocrate en mars 1999 a été
considérée comme une crise grave pour le gouvernement. Lorsque Bodo Hombach a
quitté la chancellerie fédérale, il a également provoqué des commentaires
critiques. En réalité, le chancelier Schröder a bien profité de ces démissions.
Il a nommé son confident de Basse-Saxe, Steinmeier, chef de la chancellerie.
Avec Hans Eichel, nouveau ministre des Finances, et Reinhard Klimmt,
nouveau ministre de Transport, il a appelé au gouvernement deux anciens
Premiers ministres de Länder, qui
avaient subi des défaites électorales.
Et Gerhard Schröder lui- même a assumé sans aucune difficulté la fonction du président du SPD.
Sa nomination à la succession de Lafontaine a été favorisé par les règles
conformes à la démocratie
représentative qui dominent aussi la construction intérieure des partis
allemands. L´élection direct du président par tous les membres du parti, comme
dans le Labour Party, n´est pas
prévue en Allemagne. Donc Schröder a été choisi par un congrès extraordinaire
et n´avait pas de concurrent. Franz Müntefering est devenu entre-temps
secrétaire général du SPD. C´est lui qui avait dirigé la campagne électorale de
Schröder en 1998. Maintenant, comme homme fidèle au chancelier, il est chargé
de mettre bon ordre au sein du parti. Les sociaux-démocrates s´apprêtent à se
transformer en parti de chancelier.
Malgré les mauvais scores aux élections intérimaires, le chancelier actuel
est en train d´établir ses propres structures, de mettre en place son propre
personnel et d´établir son pouvoir. Le >système Schröder< a déjà succédé
au >système Kohl< sans que cela fasse allusion au scandale provoqué par
la mise au grand jour du système de
financement occulte de la CDU sous le régime de H. Kohl. La question:
>Qu´est ce-qui pourrait arriver au gouvernement Schröder pendant les
prochaines années?< est un peu provocante. Mais elle est tout à fait
justifiée dans le contexte de notre colloque. Comme nous l´avons vu, une chute
de gouvernement avant 2002 est peu probable. Néanmoins, il reste un risque pour
le chancelier Schröder, c´est celui d´être échangé contre un autre par son
propre parti, comme cela a été le cas avec Adenauer, Erhard et Brandt. C´est un
risque personnel du chancelier qui pourrait devenir actuel en mai 2000, après
les élections du Landtag de la
Rhénanie du Nord-Westphalie, si son parti subissait une défaite. Ce sont là
bien évidemment des hypothèses plus que des perspectives concrètes pour l´année
2000. Mais pour comprendre au-delà des avatars de la vie politique le système
politique allemand, il faut se situer dans la durée institutionnelle, c´est
seulement à ce prix que la prévision devient possible.